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L’un des principaux atouts de l’assurance vie concerne la transmission du patrimoine. Au regard de l’article 990 i du Code Général des Impôts, le titulaire d’un contrat d’assurance vie peut transmettre gratuitement jusqu’à 152 500 € à chaque bénéficiaire de son choix à la condition d’avoir versé les primes avant l’âge de 70 ans. Au-delà de 152 500 € et jusqu’à 700 000 €, le taux d’imposition ressort à  20 % puis 31,25 % à partir de 700 000 €. Si vous avez trois enfants, vous pouvez donc transmettre gratuitement à votre progéniture jusqu’à 457 500 €. Si le versement est opéré après l’âge de 70 ans, la règle diffère car le capital versé, après un abattement de 30 500 € à partager entre les bénéficiaires, est incorporé à l’actif successoral (article 757 b du CGI). Autrement dit, l’exonération va porter sur l’intégralité des intérêts ainsi que sur la somme de 30 500 €.

Ces règles fiscales s’appliquent à tous les épargnants indépendamment de leur situation matrimoniale. Sachez, toutefois, qu’en fonction de votre régime matrimonial, l’assurance vie peut s’avérer encore plus avantageuse. Cette situation n’est pas réservée à une minorité mais concerne près de 90 % des couples mariés, à savoir ceux ne disposant pas de contrat de mariage ou ceux ayant opté pour le régime de la communauté réduite aux acquêts.

Le régime de la communauté réduite aux acquêts, couplé à l’assurance vie, se trouve être particulièrement performant car il permet de transmettre à ses enfants un capital en franchise totale de droits sans condition d’âge et de montant. Oui vous avez bien lu, peu importe que vous ayez plus de 70 ans et/ou que le montant excède le seuil des 152 500 € !

Pour appréhender cette stratégie, il convient de remonter au 31 mars 1992 date à laquelle la Cour de Cassation a jugé que la valeur de rachat des contrats d’assurance vie devait être réintégrée dans l’actif de communauté conformément à l’article 1401 du Code Civil (arrêt Praslicka). En clair, cela signifie que, sur le plan civil, la moitié du contrat d’assurance vie de l’époux survivant souscrit avec des deniers communs fait partie de l’actif de succession.

Si la règle civile a joui d’une grande stabilité dans le temps, il en est différemment sur le plan fiscal. Après de nombreuses années d’incertitudes quant aux effets fiscaux de l’arrêt Praslicka, la réponse civile a été littéralement transposée en matière fiscale au regard de la réponse ministérielle Bacquet du 29 juin 2010. En effet,  celle-ci stipulait que, « conformément à l’article 1401 du Code Civil, et sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, la valeur de rachat des contrats d’assurance souscrits avec des fonds communs fait partie de l’actif de communauté soumis aux droits de succession dans les conditions de droit commun ».

Cette réponse ministérielle s’appuyait sur la loi TEPA du 21 août 2007 qui avait supprimé les droits de succession entre les époux considérant alors que la réintégration de la valeur du contrat d’assurance à l’actif successoral demeurait sans effet. C’était toutefois oublier que les enfants ne bénéficiaient pas de l’exonération des droits de succession. De ce fait, l’application de l’arrêt Bacquet a donné lieu à des doubles impositions injustifiées puisque les enfants ne percevaient pas les capitaux du contrat au premier décès.

Face à ces incohérences sur le traitement fiscal des contrats d’assurance vie non dénoués financés par des capitaux communs, le député Jean-David Ciot a interpellé le gouvernement en avril 2015 et, le 23 février 2016, l’administration a admis qu’il y avait lieu de dissocier le droit civil du droit fiscal.

A cet égard, le BOFIP indique qu’ « il est désormais admis, pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016, que la valeur de rachat d'un contrat d'assurance-vie, souscrit avec les deniers communs et non dénoué lors de la liquidation d’une communauté conjugale à la suite du décès de l’un des époux, n'est pas, au plan fiscal, intégrée à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ce quelle que soit la qualité des bénéficiaires désignés. Elle ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé (RM Ciot n°78192, JO AN du 23 février 2016 p.1648). »

En clair, pour toutes les successions ouvertes depuis le 1er janvier 2016, la valeur du contrat d’assurance vie souscrit par des deniers communs et non dénoué doit être réintégrée à la communauté pour la liquidation civile mais ne doit pas l’être pour le calcul des droits de succession.

La réponse Ciot permet donc de transmettre aux héritiers la moitié de la valeur du contrat d’assurance vie non dénoué en franchise totale de droits de succession. Autrement dit, sur le plan fiscal, le contrat non dénoué souscrit par le conjoint survivant devient plus intéressant que le contrat d’assurance vie dénoué souscrit par le défunt car la transmission s’opère gratuitement sans limite de montant ou d’âge.

Afin d’éviter toute confusion, précisons qu’au décès du premier des époux, le contrat du défunt est dénoué et les capitaux sont transmis aux bénéficiaires désignés selon les règles fiscales en vigueur (art 990 i ou 757 b du CGI). Autrement dit, la réintégration au sein de l’actif de communauté concerne uniquement la valeur du contrat du conjoint survivant qui est non dénoué et non celui du défunt qui se trouve dénoué hors succession.

Afin de pouvoir bénéficier de ce cadeau fiscal, il faut impérativement que les deux conditions suivantes soient réunies :

  • Que le notaire soit informé de l’existence des contrats d’assurance vie du conjoint non décédé.
  • Que le transfert de propriété du contrat non dénoué au profit des enfants soit matérialisé par un acte.

En l’absence d’opération de partage visant à attribuer aux enfants leurs droits patrimoniaux sur la moitié du contrat du parent survivant, la taxation sera reportée au second décès lorsque le contrat du survivant sera dénoué. Il s’agit malheureusement du cas le plus fréquent et cela revient donc à imposer un actif qui appartient déjà aux enfants pour moitié, ce qui est regrettable !

Une autre difficulté est liée à la nature même de l’assurance vie qui exclut toute situation indivise ou démembrée a posteriori. Dans ces conditions, le rachat partiel de la moitié de la valeur dudit contrat semble obligatoire afin de matérialiser le transfert de propriété au profit des enfants héritiers. Le rachat couplé avec une convention de quasi-usufruit permettra aux enfants de récupérer les capitaux au décès du parent survivant sans fiscalité en raison de la déduction de la créance de restitution. Pour mémoire, le quasi-usufruit permet de conférer la pleine disposition des capitaux à l’usufruitier qui sera libre d’utiliser le capital à son gré sans avoir de compte à rendre à ses enfants. En contrepartie, les enfants disposent d’une créance dite de restitution leur permettant, au décès de l’usufruitier, de récupérer leur dû sans droit de succession et avant tout partage et dévolution successorale.

La conclusion d’une convention directement sur le contrat est plus simple et pratique mais ce montage demeure discutable en raison du régime spécifique de l’assurance vie, d’où un risque de redressement au titre de l’abus de droit. Toutefois, la modification de la clause bénéficiaire du contrat, pour lui préférer une clause à titre onéreux en remboursement de la créance de restitution née du quasi-usufruit, permet d’écarter le risque d’abus de droit. Pour plus de détails, nous vous invitons à consulter notre lettre N°327 de mai 2023. L’absence de désignation de bénéficiaire au contrat d’assurance est également une solution car, en vertu de l’article 132-11 du code des assurances, il est établi que « lorsque l'assurance en cas de décès a été conclue sans désignation d'un bénéficiaire, le capital ou la rente garantis font partie du patrimoine ou de la succession du contractant. » De ce fait, le contrat n’est plus hors succession évitant ainsi tout risque d’abus de droit. 

La solution la plus pertinente consiste à attribuer aux enfants leur dû en le prélevant sur les actifs financiers suite à un acte de partage partiel laissant intact le contrat d’assurance du survivant. Bien évidemment, pour ce faire, il faut que les avoirs financiers au sein de l’actif successoral soient suffisants.

Il est à noter que, si le conjoint survivant a obtenu ses droits via un testament ou une donation entre époux, également dénommée donation au dernier vivant, il peut choisir de cantonner son héritage décidant ainsi des biens sur lesquels il souhaite exercer ses droits. Dans ce cas, la solution consiste donc à renoncer à sa part de succession sur le contrat d’assurance vie de sorte que les autres héritiers, c’est-à-dire ses propres enfants, deviennent seuls héritiers de la valeur de rachat dudit contrat. En clair, le parent survivant renonce donc à percevoir son usufruit sur la moitié de son contrat et peut ainsi procéder au rachat de la moitié de son contrat pour le transmettre gratuitement à ses enfants.

La réponse Ciot, qui a pour effet de réintégrer la valeur du contrat du conjoint survivant à l’actif successoral, entraîne inévitablement une diminution de la protection du conjoint survivant. En effet, les droits du survivant se trouvent de facto limités à l’usufruit sur la moitié de son contrat en lieu et place de la pleine propriété voire à l’abandon en cas de recours au cantonnement. Si votre souhait est d’éviter une diminution des droits du conjoint, la solution consiste à insérer une clause de préciput dans votre contrat de mariage. En vertu de l’article 1515 du code civil, « il peut être convenu, dans le contrat de mariage, que le survivant des époux, ou l'un d'eux s'il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d'une espèce déterminée de biens. »

Une clause de préciput, portant sur les contrats d’assurance vie non dénoués, va donc permettre au conjoint survivant de prélever la valeur de ses contrats souscrits avec des deniers communs et, par conséquent, de ne pas avoir à les intégrer à l’actif successoral. Cette solution a pour effet d’augmenter la protection du conjoint survivant mais supprime les effets de la réponse Ciot très favorables en termes de transmission aux enfants.

Dans le cas où la prime est acquittée par des fonds appartenant en propre au conjoint survivant, les droits du conjoint demeurent entiers car la réintégration de la valeur du contrat non dénoué dans l’actif de communauté ne sera pas applicable.

Afin de mieux appréhender les effets de la réponse ministérielle Ciot, prenons l’exemple de Monsieur et Madame X, mariés sous le régime légal, disposant du patrimoine suivant :

  • Une résidence principale valorisée 800 000 €.
  • Des actifs financiers valorisés 300 000 € (épargne bancaire, compte-titres).
  • Un contrat d’assurance vie d’une valeur de 150 000 € souscrit par Monsieur avec les deniers de la communauté.
  • Un contrat d’assurance vie d’une valeur de 500 000 € souscrit par Madame avec les deniers de la communauté.

Au décès de Monsieur X, son contrat d’assurance se dénoue hors succession et sa valeur n’entre plus dans l’actif de communauté. Ce dernier est évalué à 1 600 000 € et se décompose comme suit : 800 000 € de biens immobiliers + 300 000 € d’actifs financiers + 500 000 € correspondant au contrat d’assurance vie souscrit par Madame X et non dénoué.

Sur le plan civil, la moitié de la communauté revient à chaque conjoint, de sorte que, 800 000 € sont la propriété de Madame X et les 800 000 € restants font partie de l’actif successoral.

Si Madame X décide d’opter pour la totalité de l’actif successoral en usufruit dont la valeur fiscale est fixée à 30 % compte tenu de son âge (77 ans), il en découle une valorisation des actifs immobiliers de 120 000 € (30 % x 400 000 €), des actifs financiers de 45 000 € (30 % x 150 000 €) et du contrat d’assurance vie non dénoué de 75 000 € (30 % x 250 000 €).

En clair, Madame X possède donc 50 % en pleine propriété correspondant à sa part dans la communauté (800 000 €) et 50 % en usufruit sur les actifs immobiliers (120 000 €), sur les actifs financiers (45 0000 €) et sur son contrat d’assurance vie non dénoué (75 000 €) correspondant à l’actif successoral.

Si le patrimoine était intégralement cédé, Madame percevrait donc un capital de 1 040 000 € qui se décomposerait comme suit : 800 000 € + 120 000 € + 45 000 € + 75 000 €. Dans ce cas, le fils de Madame X disposerait de la nue-propriété soit 560 000 € (70 % de 800 000 €).

Sur le plan fiscal, au regard de la réponse Ciot, les contrats d’assurance vie non dénoués ne doivent pas être incorporés et, de ce fait, l’actif taxable se limite donc à 550 000 €. Etant donné que Madame X a opté pour la totalité en usufruit, sa quote-part est évaluée à 165 000 € (550 000 x 30 %). Le solde, soit 385 000 €, est attribué à son fils. En raison de l’abattement de 100 000 €, l’actif taxable ressort à 285 000 €. Au regard du barème, les droits de succession à payer se montent à 55 194 €.

Au décès de Madame X, l’usufruit s’éteindra et son fils récupérera sans frais ni formalité la pleine propriété issue de l’héritage de son père. Outre ces 800 000 €, il percevra également le contrat d’assurance vie de sa mère qui ressort à 250 000 €, moyennant une fiscalité limitée à 19 500 € en raison de la taxation au taux de 20 % au-delà de l’abattement de 152 500 €. Il est à souligner que la valeur du contrat a été divisée par deux en raison du rachat effectué par Madame X suite à la succession de son époux. L’actif successoral taxable portera sur 550 000 € matérialisé par la moitié de la résidence principale et des actifs financiers. En raison de l’abattement de 100 000 €, l’actif successoral taxable portera sur 450 000 € ce qui engendrera 88 194 € de droits. Au global, les droits auront été de 107 694 € (88 194 € + 19 500 €). L’intégration des deux successions aboutit à un paiement de droits à hauteur de 162 888 €.  

En l’absence de l’application de la réponse Ciot, les droits de succession globaux auraient été fixés à 212 188 €, soit un surcoût fiscal de 50 000 €. Cet écart provient du contrat d’assurance vie de Madame X dont la taxation est limitée à 19 500 € compte tenu de sa transmission gratuite à hauteur de 250 000 € lors de la première succession, contre une imposition de 69 500 € (500 000 € - 152 500 € taxés à 20 %) en l’absence de transmission de la moitié de la valeur du contrat au décès de Monsieur X.

Maitriser le code civil, le code fiscal et le code des assurances est pour le moins un exercice ardu. Si vous en doutiez, vous en avez la preuve avec cet article ! Mais cette complexité ne doit pas être un prétexte pour vous priver des largesses du fisc. Si vous êtes marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, n’oubliez pas que vous pouvez transmettre gratuitement la moitié de votre contrat non dénoué à la condition de matérialiser le transfert de propriété. Vous disposez désormais des solutions permettant soit d’optimiser la transmission à vos enfants, soit de favoriser la protection du conjoint survivant. 

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