Selon l’enquête « famille et logements » menée par l’INSEE, la France métropolitaine compte 1,5 million d’enfants de moins de 18 ans vivants dans 720 000 familles qualifiées de recomposées c'est-à-dire où les enfants ne sont pas tous issus du couple actuel. Parmi ceux-ci, 64 % vivent avec un parent et un beau-parent et 36 % vivent avec leurs deux parents mais partagent leur quotidien avec des demi-frères ou demi-sœurs. 

Lors du décès, de nombreuses difficultés peuvent surgir puisque trois prétendants vont alors se retrouver en concurrence pour l’héritage : le conjoint, les enfants nés de l’union commune et ceux nés d’une précédente union. Notre Code Civil issu de l’ère Napoléonienne, époque où les familles recomposées n’étaient pas légion, n’est donc pas spécialement adapté pour traiter cette problématique.

Si vous êtes dans cette situation, la première étape consiste à identifier et hiérarchiser vos objectifs.  Pour ce faire, il convient donc de vous poser une série de questions telles que : la protection du conjoint survivant fait-elle partie de vos priorités ? Quelle position souhaitez-vous adopter vis-à-vis des enfants de votre conjoint nés d’une précédente union ? Attachez-vous de l’importance à l’organisation de votre transmission en vue d’éviter de futurs conflits ? Etes-vous favorable à ce qu’une partie de vos biens soit au final transmise aux enfants de votre conjoint ? Souhaitez-vous une égalité entre tous vos enfants tant ceux issus de l’union commune que ceux issus d’une précédente union ? Apportez-vous une importance à la possibilité de modifier les solutions qui seront mises en place ?

Le but de ces questions est de quantifier l’équilibre souhaité entre la protection du conjoint, la préservation des intérêts des enfants nés d’une précédente union et l’égalité entre tous les enfants. Dès lors que les axes prioritaires ont été définis, il est alors possible d’aboutir à la mise en place d’une solution sur mesure grâce aux nombreuses mesures juridiques figurant dans notre droit.

Vous devez avoir conscience que, si aucune disposition spécifique n’a été élaborée, la situation va nécessairement se révéler inconfortable pour le survivant. En effet, dans la plupart des cas, après une séparation qui a pu être douloureuse, le couple ne souhaite pas contractualiser trop vite la nouvelle union, et de ce fait, décide de vivre en concubinage. Le souci est que les concubins ne disposent d’aucune protection en cas de décès de leur compagne ou compagnon puisqu’ils ne figurent pas au rang des héritiers. Autrement dit, les avoirs du défunt seront nécessairement partagés entre ses propres enfants.  Dans l’hypothèse où les concubins ont acquis conjointement un bien, le survivant se retrouvera par la force des choses en indivision avec les enfants du concubin issus de la précédente union, ce qui peut s’avérer être pour le moins conflictuel en cas de mésentente. Pour mémoire, l’indivision est un régime très contraignant qu’il convient d’éviter dans la mesure du possible car elle est source de conflit. En effet, pour vendre un bien immobilier, le consentement de tous les indivisaires est requis et pour effectuer les actes d’administration, la majorité des 2/3 est nécessaire.

Si vous souhaitez éviter ces écueils, il est impératif d’agir. Si la conservation du statut de concubin fait partie de vos priorités, il est possible de rédiger un testament dans le but d’assurer la protection du survivant. Toutefois, le testament ne va pas régler la problématique dans son ensemble puisque les droits de succession demeureront très élevés (60 % au-delà de 1 594 €). De plus, vous ne pourrez pas léguer à votre concubin le montant de votre choix car la règle de la réserve héréditaire devra être respectée. Celle-ci détermine la quote-part minimum qui doit être transmise aux héritiers légaux du défunt. Pour rappel, la réserve héréditaire varie de 50 % à 75 % en fonction du nombre d’enfants (50 % avec 1 enfant, 66,66 % avec 2 enfants et 75 % avec 3 enfants et plus). En cas de concubinage, la souscription d’un contrat d’assurance vie est, au final, vivement recommandée puisqu’elle permettra d’éviter toute fiscalité sur la transmission jusqu’à 152 500 € puis de limiter la taxation à 20 % sur les sommes comprises entre 152 500 € et 852 500 € puis 31,25 % sur les sommes au-delà de 852 500 €.

La création d’une société civile permet également de s’affranchir des méfaits de l’indivision. Elle contribue à organiser la transmission du patrimoine tout en assurant la conservation des revenus et la gestion des biens. La transmission est facilitée car les biens légués ne sont plus les immeubles, non liquides et difficiles à partager par nature, mais des parts de société dont le nombre et la valeur sont facilement contrôlables. La constitution d’une société civile immobilière (SCI) peut améliorer le sort du concubin survivant en lui assurant le contrôle de la résidence principale. Pour cela, cette dernière doit être logée dans une SCI pour laquelle un démembrement croisé des parts a été mis en place. Dans ce cas, chacun va se voir octroyer l’usufruit sur la moitié des parts et la nue-propriété sur l’autre moitié. En conséquence, au moment du décès d’un associé, son usufruit s’éteindra sans frais ni formalité et, par conséquent, l’autre associé récupèrera la pleine propriété. Les parts détenues en nue-propriété par le défunt seront transmises à ses propres héritiers qui ne pourront alors pas imposer au concubin survivant de quitter les lieux. Il est à noter qu’au moment du décès du survivant, ses propres héritiers percevront ses parts détenues en pleine propriété tandis que les héritiers du concubin décédé en premier récupéreront la pleine propriété des parts suite à l’extinction de l’usufruit. Cette solution a le mérite d’assurer pleinement la protection des concubins sans léser leurs héritiers respectifs. En revanche, dans le cas d’époux et de partenaires pacsés, l’acquisition de la résidence principale via une SCI n’est pas conseillée dans la mesure où ils peuvent se léguer par voie testamentaire la part du défunt, et ce gratuitement, en raison de l’absence de droit de succession entre époux. De plus, le survivant bénéficie d’un droit au maintien gratuit dans la résidence principale, et ce sur une durée d’un an. De même, le conjoint qui se retrouvera en indivision avec les héritiers du défunt peut obtenir l’attribution préférentielle du logement et de ses meubles, moyennant le paiement d’une soulte aux héritiers. En revanche, si la résidence principale est détenue au sein d’une SCI, ni le droit au maintien, ni l’attribution préférentielle ne sont applicables.

Si vous acceptez de formaliser votre union et optez pour un pacs, vous pourrez alors éviter le paiement de droits de succession à la condition qu’un testament ait été rédigé. En effet, les pacsés n’étant pas héritiers l’un envers l’autre, en l’absence de testament, ils ne peuvent prétendre à aucune part d’héritage suite au décès du partenaire. Dans tous les cas, les dispositions testamentaires devront respecter le mécanisme de la réserve héréditaire empêchant ainsi la transmission d’une quote-part trop importante du patrimoine entre partenaires.

Le remariage demeure la solution la plus protectrice pour le conjoint survivant puisque, par nature, il bénéficie de droits légaux sur le patrimoine du défunt et de la possibilité de demeurer un an dans le logement familial.  Précisons néanmoins que le régime légal, qui n’est autre que le régime de la communauté réduite aux acquêts, ne semble pas adapté à la situation puisque la mise en commun du patrimoine de chaque époux pourra engendrer des complications au décès de l’un d’entre eux. Le régime de séparation de biens apparaît alors comme le plus approprié car il permet d’éviter la confusion entre les patrimoines des époux. La répartition des biens s’opère dès lors en deux masses distinctes composées des biens personnels des époux. A la succession, en présence d’enfants issus d’une précédente union, le survivant, ne pouvant pas opter pour l’usufruit sur la totalité du patrimoine du défunt, devra obligatoirement prendre le quart en pleine propriété. Cette règle a été instaurée par le législateur afin d’éviter que, dans le cas d’un remariage avec une personne plus jeune, les enfants ne perçoivent jamais leur héritage. En effet, les enfants nus-propriétaires vont récupérer automatiquement la pleine propriété de l’héritage lors de l’extinction de l’usufruit qui intervient au décès du conjoint survivant. Si l’âge de ce dernier est sensiblement équivalent à celui de ses beaux-enfants, il est possible que les nus-propriétaires ne puissent jamais jouir de leur héritage.

Il est à souligner qu’en présence d’enfant d’un premier lit, la transmission du quart du patrimoine en pleine propriété au conjoint survivant est problématique au regard des deux points suivants :

  • Une cohabitation qui peut se révéler conflictuelle car portant sur des biens détenus au sein d’une indivision regroupant des personnes aux objectifs diamétralement opposés.

  • Une spoliation d’un quart de l’héritage des enfants nés d’une précédente union. En effet, ces derniers étant sans lien de parenté avec le conjoint survivant vont en définitive être privés du quart de l’héritage de leur géniteur puisque, au décès du conjoint survivant, celui-ci sera de facto transmis aux enfants du conjoint survivant.

Si vous désirez contourner cette problématique, vous devez opérer une donation entre époux puisque cela va permettre au conjoint survivant d’opter pour l’usufruit sur la totalité du patrimoine du défunt. Ce faisant, la protection du survivant sera renforcée puisque l’usufruit lui permettra de conserver les revenus sur les biens du défunt. Au décès du survivant, l’usufruit s’éteindra et les enfants récupéreront alors la pleine propriété des biens de sorte qu’ils ne subiront pas de déperdition de leur héritage. Pour être certain que le conjoint survivant retienne l’usufruit sur la totalité et non le quart en pleine propriété, il est possible, par voie testamentaire, de destituer le conjoint de son droit légal correspondant au quart en pleine propriété. Comme souligné précédemment, cette solution n’est pas souhaitable dans le cas où l’écart d’âge entre le conjoint survivant et ses beaux-enfants est faible.   

Le recours à une donation graduelle permet également de protéger le conjoint survivant sans spoliation des enfants nés d’une précédente union. En effet, la donation graduelle va permettre de donner en pleine propriété des biens au conjoint en lui imposant de les conserver jusqu’à son propre décès et de les transmettre aux enfants du conjoint prédécédé. Dans cette solution, le conjoint survivant pourra donc pleinement profiter des biens sans toutefois avoir la faculté de les vendre, de les donner ou de les transmettre à ses propres enfants. Sur le plan fiscal, ce type de transmission s’avère avantageux puisque les enfants sont réputés avoir reçu les biens de leur père ou mère et non de leur beau-père ou belle-mère. De ce fait, ils pourront bénéficier du tarif et des abattements des successions en ligne directe (abattement de 100 000 € et application du barème progressif avec des taux variant de 5 % à 45 %) qui est nettement plus favorable qu’une transmission entre non parents (abattement de 1 594 € assorti d’une taxation au taux de 60 %).    

En vue d’éviter que des parents puissent dépouiller les enfants nés d’une précédente union, le Code Civil a prévu des gardes fous. Ainsi, les enfants non issus des deux époux peuvent exercer une action en retranchement contre l’époux survivant s’ils estiment que la quotité spéciale entre époux a entamé leur part réservataire. Toutefois, par une renonciation à l’action en retranchement réalisée avant le décès du parent, les enfants peuvent accepter de différer cette action après le décès du conjoint survivant. Cette technique permet donc de régler la transmission du patrimoine sans avoir à craindre une éventuelle remise en cause des volontés du défunt. S’agissant en définitive d’une renonciation temporaire, ce mécanisme garantit donc la sécurité de la stratégie, la pérennité des droits reçus par le conjoint ou les enfants vis-à-vis des autres héritiers réservataires et assure ainsi la sérénité familiale jusqu’au décès du conjoint survivant.

Dans certaines familles recomposées, le beau-père ou la belle-mère peut souhaiter que le ou les enfants de son conjoint nés d’une précédente union se voient transmettre une partie de son patrimoine. Les enfants de la précédente union n’étant pas héritiers de leur beau-père ou belle-mère, il y a donc lieu de prendre des dispositions pour que la transmission puisse s’opérer. Celles-ci peuvent être de différentes natures telles que :

  • La rédaction d’un testament : cette solution a pour principal mérite d’être juridiquement simple dans son application. Toutefois, sur le plan fiscal, ce choix n’est pas pertinent puisque, s’agissant d’une transmission entre non parent, une taxation forfaitaire fixée à 60 % sera appliquée.

  • L’assurance vie : la clause bénéficiaire des contrats d’assurance vie offre une grande souplesse dans sa rédaction. L’assuré peut donc déterminer le montant des capitaux qui sera à verser aux personnes désignées après son décès. Si les versements ont été réalisés avant les 70 ans de l’assuré, la fiscalité sera particulièrement avantageuse puisque la taxation sera la suivante : 0 % jusqu’à 152 500 €, 20 % pour les sommes comprises entre 152 500 € et 852 500 € et 31,25 % au-delà. Les transmissions hors assurance vie entre non parents étant taxées au taux de 60 % après un abattement de 1 594 €, il est évident qu’une transmission de capitaux à l’enfant de son conjoint né d’une précédente union via l’assurance vie est nettement moins coûteuse que via une disposition testamentaire. 

  • La donation-partage conjonctive : celle-ci permet de réunir au sein d’une même donation-partage les enfants communs et non communs du couple. Par nature, celle-ci n’est pas ouverte aux couples qui n’ont pas au moins un enfant en commun. La donation doit être opérée par les deux époux qui confondent leurs biens en vue de les donner et les partager entre leurs enfants communs et non communs. Il est cependant considéré que l’enfant reçoit uniquement les biens de son parent et non ceux du conjoint. Si le bien donné porte sur un bien commun aux deux époux, le beau-parent n’est pas considéré comme donateur mais doit signifier son accord. Sur le plan fiscal, la donation est taxée selon le barème en ligne directe après un abattement de 100 000 €. L’avantage de cette formule est d’opérer la répartition des biens entre les différents enfants ce qui permet d’éviter que des beaux-enfants ne se retrouvent propriétaires indivis entre eux.

  • Le testament partage : celui-ci permet d’opérer la répartition des avoirs entre les héritiers sans avoir à recourir à une donation-partage. Le testament partage peut porter sur l’ensemble des biens ou seulement sur une partie permettant ainsi de régler de façon très précise la transmission du patrimoine par l’attribution de lots prédéfinis à chacun des héritiers. En agissant de la sorte, les héritiers n’auront pas à se soucier de la répartition des biens entre eux au moment de la succession ce qui devrait assurer la tranquillité de la famille.     

  • L’adoption simple : un époux peut tout à fait adopter l’enfant de son conjoint. L’enfant adopté aura alors les mêmes droits dans la succession que les enfants issus de l’union commune ou d’une précédente union. Sur le plan fiscal, l’enfant adopté bénéficiera des mêmes droits que les autres enfants et pourra bénéficier de l’abattement de 100 000 € et de l’application du barème progressif des transmissions en ligne directe dont les taux varient de 5 % à 45 %.

D’autres outils juridiques peuvent aussi être prescrits, tels que l’usufruit successif, le pacte tontinier, les avantages matrimoniaux… Si vous êtes concernés par les problèmes des familles recomposées, il est fort probable que les règles prévues par défaut par la loi ne soient pas spécialement adaptées à votre situation, vous devez donc prendre les devants. Dans ce domaine, la règle d’or est l’anticipation, élément indispensable pour aboutir à une solution sur mesure parfaitement adaptée à vos objectifs et à votre situation familiale. N’hésitez pas à nous consulter pour de plus amples explications.

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