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Si vous ambitionnez de transmettre une partie de votre patrimoine à vos descendants, il est important de bâtir une stratégie car la transmission s’avère être une tâche de longue haleine pour qu’elle puisse s’opérer à moindre coût fiscal. Afin d’être en mesure d’établir la stratégie adéquate, la maîtrise des rudiments en matière de transmission de patrimoine est un prérequis. Ce faisant, il nous semble pertinent de vous remémorer les notions essentielles en matière de donation, de rapport fiscal, de démembrement, de présent d’usage, de prêt familial, d’assurance vie et de plus-values.

La donation ou le don manuel. En vertu de l’article 779 du CGI, vous pouvez transmettre jusqu’à 100 000 € à chacun de vos enfants sans avoir de droits à acquitter. Cet abattement de 100 000 € est éligible aussi bien en matière de transmission du vivant (donation) que du décès (succession). Si vous souhaitez opérer une transmission de votre vivant à vos petits-enfants, vous pouvez leur donner jusqu’à 31 865 € en franchise de droits. S’il s’agit d’arrière-petits-enfants, l’abattement est fixé à 5 310 €. Pour mémoire, s’il est préférable de recourir à un notaire pour effectuer ce type de donations, il est néanmoins possible de s’en affranchir sauf si la donation porte sur des immeubles ou des terres. En l’absence d’intervention notariée, les dons manuels sont à déclarer par le donataire au moyen de l’imprimé N° 2735 dénommé « Déclaration des dons manuels et de sommes d’argent » dans un délai de 30 jours. Sur le plan pratique, la déclaration de don s’opère en ligne sur impôts.gouv.fr via l’onglet « Déclarer » puis « Vous avez reçu un don ? Déclarez-le ».

Le don de somme d’argent. En vertu de l’article 790 G du CGI, vous pouvez également donner de votre vivant 31 865 € à chaque enfant en franchise de droits. Toutefois, pour être valide, le don doit respecter la triple condition suivante : vous devez être âgé de moins de 80 ans, l’enfant doit être âgé de plus de 18 ans et le don doit porter sur une somme d’argent. Il est à noter que le don peut également être effectué au profit de petits-enfants et d’arrière-petits-enfants sous le respect des conditions d’âge. Ce mécanisme relatif au don de somme d’argent, plus communément dénommé « don Sarkozy » ne nécessite pas le recours à un notaire. Il suffit au donataire de se rendre sur impôts.gouv.fr et compléter l’imprimé de don manuel N° 2735 dans un délai de 30 jours après le versement des capitaux.

Le rapport fiscal. L’assimilation de cette notion est essentielle pour optimiser la transmission sur le plan fiscal. Elle consiste à réincorporer dans l’actif du défunt les donations réalisées au cours des 15 années précédentes. Autrement dit, au terme de 15 ans, les donations effectuées ne sont plus rapportables fiscalement (c’est-à-dire qu’elles sont réputées n’avoir jamais existé) et les abattements sont de nouveau disponibles permettant de réitérer une nouvelle donation en franchise d’impôt. Ainsi, le cumul des articles 779 du CGI et 790 G du CGI permet de transmettre gratuitement jusqu’à 131 865 € à chacun de ses enfants et ce tous les 15 ans. Si vous et votre conjoint êtes âgés de moins de 80 ans et avez 3 enfants majeurs, vous pouvez donc transmettre gratuitement près de 800 000 € (131 865 € x 2 parents x 3 enfants) par période de 15 ans.

Le démembrement de propriété est une notion importante si vous avez pour souhait de donner un bien tout en conservant la jouissance ou les revenus. Dans cette éventualité, vous allez transmettre la seule nue-propriété à vos enfants et en conserver l’usufruit. Ce dernier s’éteindra naturellement au décès de l'usufruitier de sorte que les nus-propriétaires recouvreront alors la pleine propriété sans avoir à payer de droits de succession. Sur le plan fiscal, cette opération est donc particulièrement rentable puisque la valeur du bien transmis est amputée de la valeur de l’usufruit calculée selon les termes définis par l’article 669 du CGI, en fonction de l’âge de l’usufruitier au jour de la donation. Si le donateur est âgé de 65 ans, la valeur de l’usufruit ressortira à 40 % et, par différence, celle de la nue-propriété à 60 %. Dans ce cas, il est possible de transmettre un bien d’une valeur de 166 667 € gratuitement à un enfant en l’absence de toute donation consentie au cours des 15 dernières années. En effet, la valeur de la nue-propriété ressortira à 100 000 € (166 667 x 60 %) et pourra être transmise gratuitement compte tenu de l’abattement en vigueur. Il est à noter que si la donation était intervenue au 85 ans du donateur, la valeur de l’usufruit aurait été de 20 % pour une nue-propriété fixée à 80 %. Dans ce cas, la valeur globale du bien pouvant être donnée gratuitement ressortirait à 125 000 €. Autrement dit, au plus le donateur est jeune, au moins la transmission avec réserve d’usufruit sera coûteuse, d’où l’intérêt de se préoccuper des problématiques de transmission au plus tôt.

Le présent d’usage est également un moyen de transmettre de son vivant une partie de son patrimoine gratuitement à ses proches. Par nature, cette notion fait référence aux cadeaux que vous leur faites à l’occasion de certains évènements (Noël, anniversaire, mariage, …). L’administration fiscale ne communique pas le montant qu’il est possible de donner car celui-ci est fonction de la situation patrimoniale de chacun. Pour éviter tout risque fiscal, il convient de garder à l’esprit que les cadeaux ne doivent en aucun cas aboutir à l’appauvrissement du donateur. Par conséquent, vous pouvez donner à vos enfants vos excédents de revenus annuels sans susciter les foudres de l’administration fiscale. A l’inverse de la donation, le présent d’usage ne requiert aucune déclaration.

Le prêt familial est un outil permettant de prêter une somme d’argent à un enfant afin de lui permettre de financer un projet tel que l’acquisition de son habitation ou créer son entreprise. Le principe n’est pas de donner mais de mettre des capitaux à disposition de vos enfants. Cette solution n’est pas assimilable à une donation car les enfants devront rembourser les sommes empruntées en respectant l’échéancier prévu. Si le montant du prêt excède 5 000 €, le prêt doit être déclaré à l’administration fiscale via l’imprimé N° 2062. Il est inutile de penser pouvoir se soustraire à cette obligation en multipliant les emprunts d’un montant inférieur à 5 000 € car l’ensemble des prêts octroyés au même débiteur doit être intégré dans le seuil des 5 000 €. Dans les faits, la déclaration s’opère en ligne en même temps que le dépôt de la déclaration de revenus du débiteur (enfant). L’application d’un taux d’intérêt n’est pas obligatoire. Si le prêt est assorti d’un intérêt, les intérêts annuels seront à indiquer dans votre déclaration de revenus et génèreront une taxation de 30 % (PFU).

En vertu de l’article 990 I du CGI, l’assurance vie permet de transmettre gratuitement à son décès jusqu’à 152 500 € à chaque bénéficiaire désigné (enfant, petit-enfant, arrière-petit-enfant…). Pour ce faire, vous devez avoir versé les capitaux avant vos 70 ans. Si vous avez 3 enfants et les avez désignés bénéficiaires, vous pourrez ainsi transmettre gratuitement à votre décès la somme de 457 500 €. Si vous ajoutez vos petits-enfants, les montants transmis gratuitement deviennent significatifs. Avec 9 bénéficiaires (3 enfants et 6 petits-enfants), la transmission gratuite atteint 1 372 500 € (9 x 152 500 €) par parent  ! Pour rappel, les sommes versées après 70 ans n’ouvrent pas droit aux mêmes avantages car, en vertu de l’article 757 B du CGI, elles bénéficient d’un abattement global de 30 500 € à partager entre tous les bénéficiaires désignés.

Dans un souci d’optimisation fiscale, la gestion des plus-values est essentielle. Le bon réflexe est de donner en priorité les biens dont la plus-value latente est élevée car la donation aura pour effet de la purger intégralement. Prenons l’exemple de titres, acquis 100 000 €, valorisés ce jour 400 000 €. Si vous vendez les titres pour donner les capitaux à vos enfants, vous serez imposé à hauteur de 90 000 € (plus-value de 300 000 € taxée à 30 %) et ne pourrez donc donner que 310 000 € (400 000 € - 90 000 €). Le fait de donner les titres à vos enfants permet d’effacer la plus-value car le prix de revient des titres reçus sera équivalent à celui au jour de la donation. En l’occurrence, en cas de vente des titres le lendemain de la donation, vos enfants encaisseront 400 000 € sans plus-value.  

Comme évoqué dans ces rappels, il existe de nombreuses solutions permettant de transmettre vos avoirs à vos descendants. Toutefois, selon la méthodologie adoptée, les effets sont différents puisqu’ils peuvent être immédiats ou n’intervenir qu’au moment du décès.

Compte tenu de ces éléments, il convient, de prime abord, de définir les raisons qui vous poussent à donner. Souhaitez-vous que vos enfants ou petits-enfants puissent bénéficier de vos largesses immédiatement ou seulement après votre décès ? En clair, la transmission que vous envisagez est-elle purement fiscale ou conçue pour les aider et leur permettre d’utiliser librement les capitaux donnés ? Cela peut également être un mélange des deux situations et, dans ce cas, il convient de déterminer les sommes dont vos enfants pourront disposer à leur guise. Sur le plan psychologique, cette étape est particulièrement complexe dans la mesure où, en règle générale, vous avez des réticences à donner, de peur de vous appauvrir et par crainte que vos enfants ne dilapident la donation. Il est, en effet, compréhensible de vous assurer que le fruit de votre labeur ne sera pas dépensé par des enfants qui n’ont pas encore une bonne connaissance de la valeur de l’argent et des efforts qu’il a fallu accomplir pour économiser les capitaux donnés !

Si votre souhait consiste à transmettre dans les meilleures conditions fiscales, sans que vos enfants puissent percevoir les capitaux, il convient de :

1/ Privilégier l’assurance vie en effectuant des versements avant vos 70 ans pour bénéficier de l’abattement de 152 500 € par bénéficiaire. Dans ce cas, la transmission effective des capitaux aux enfants interviendra après votre décès sachant que, de votre vivant, vous restez maître de récupérer les capitaux. Si vous souhaitez gratifier vos enfants ou petits-enfants en vous assurant toutefois que les sommes données ne seront pas dilapidées, l’assurance vie avec pacte adjoint est la meilleure solution. En effet, cela vous permettra d’empêcher votre progéniture de disposer des capitaux versés sur le contrat sans votre accord et ce jusqu’à un âge déterminé par vos soins (exemple : son 25ème anniversaire).

2/ Opérer des donations avec réserve d’usufruit. Tant que l’usufruit demeure à votre main, la donation demeure sans effet direct pour les enfants nus-propriétaires. Ces derniers disposeront de la pleine propriété à l’extinction de l’usufruit, c’est-à-dire suite au décès des usufruitiers. Sur le plan financier, cette opération est particulièrement rentable car elle permet de diminuer la valeur fiscale des biens transmis en raison de la fiscalisation de la seule nue-propriété et de profiter des abattements de 100 000 € qui seront automatiquement régénérés au-delà de 15 ans. Rappelons que la donation avec réserve d’usufruit peut aussi bien concerner des biens immobiliers (résidence secondaire, locatif, …) que des avoirs financiers (contrats de capitalisation, comptes-titres, …).

3/ Opérer une donation ou un don manuel en pleine propriété moyennant l’interdiction pour l’enfant ou le petit-enfant de pouvoir utiliser les capitaux sans l’accord des donateurs. Cette solution est très fréquente dans les cas où la donation est opérée au profit d’enfants en bas âge ou de petits-enfants et ce afin d’éviter que le donataire puisse être tenté de dilapider les capitaux à sa majorité car il devra obtenir l’accord préalable des parents ou des grands-parents pour pouvoir disposer librement des capitaux donnés.

A l’inverse, si vous souhaitez transmettre vos capitaux en laissant toute latitude à vos enfants, vous devez :

1 / Recourir aux présents d’usage. Cette solution est à privilégier car elle ne consomme pas les abattements. Elle offre simplicité et efficacité. Par nature, cette opération doit être réitérée chaque année à Noël et lors des anniversaires par exemple.

2/ Opérer des dons de somme d’argent. Afin d’être en mesure de multiplier les donations de sommes d’argent (art 790 G du CGI), vous devez commencer le processus dans l’année de vos 50 ans sachant que le don doit être effectué avant votre 50ème anniversaire. Dans ce cas, vous pourrez renouveler le don quelques semaines avant votre 65ème anniversaire et votre 80ème anniversaire. De ce fait, vous pourrez transmettre gratuitement près de 100 000 € (31 865 € x 3) à chacun de vos enfants. Pour rappel, ce don de somme d’argent s’applique uniquement aux donations et demeure donc sans effet à la succession. En clair, un décès dans le délai de 15 ans n’impactera pas le montant des droits de succession.

3/ Opérer une donation ou un don manuel en pleine propriété. Réussir à optimiser l’abattement s’avère une stratégie complexe puisque si l’abattement de 100 000 € a été consommé au cours des 15 dernières années précédant votre décès, vos enfants ne pourront plus en bénéficier dans le cadre de votre succession ce qui alourdira d’autant les droits à payer. En d’autres termes, inutile de faire un don manuel de 100 000 € à votre fils si vous avez 95 ans car la probabilité que vous soyez toujours en vie à 110 ans est nulle. En tout état de cause, il est préférable d’initier les donations au plus tôt. D’un point de vue statistique et au regard des tables de mortalité, si vous êtes un homme, il y a une chance sur deux pour que vous soyez encore en vie après 85 ans. Si vous êtes une femme, l’âge passe à 90 ans. Dans ces conditions, un homme devrait commencer à donner à 55 ans, pour être en mesure de réitérer le don à 70 ans. Ce faisant la transmission gratuite aurait donc été de 300 000 € (2 x 100 000 € au titre des donations + 100 000 € au titre de la succession). Pour une femme, il conviendrait de tout décaler de 5 ans pour donner à 60 ans et 75 ans et ainsi avoir reconstitué l’abattement de 100 000 € pour la succession. Enfin, n’oubliez pas de donner en priorité les titres affichant de fortes plus-values afin d’optimiser l’effet fiscal de la donation.

4/ Consentir un prêt familial. Si vous avez consommé l’intégralité des abattements fiscaux et souhaitez aider davantage vos enfants sans avoir de droits de donation à acquitter, le recours au prêt familial est la solution. Grâce au prêt familial, l’enfant percevra les capitaux immédiatement sans consommation d’abattement. Lorsque le délai des 15 ans sera purgé, l’abattement de 100 000 € sera de nouveau disponible et vous pourrez alors mettre fin au prêt en opérant un abandon de créance ce qui revient à donner à votre enfant l’équivalent du capital restant dû. Dans l’hypothèse où le prêt serait toujours actif au moment de votre décès, le prêt non remboursé devra être intégré à votre actif successoral et générera donc des droits de succession. La dette de l’enfant débiteur sera déduite de sa part d’héritage.

5/ Recourir à un don manuel en optant pour le paiement différé des droits. Il s’agit d’un dispositif fiscal méconnu qui permet de donner à ses enfants tout en différant le paiement des droits au décès du donateur. L’article 635 A du CGI stipule que les dons manuels supérieurs à 15 000 € peuvent être déclarés « sur option du donataire lors de la révélation du don, dans le délai d’un mois qui suit le décès du donateur ». Afin de bénéficier de ce mécanisme spécifique, il suffit de déposer l’imprimé N°2734 intitulé « révélation de don manuel d’une valeur supérieure à 15 000 € » dans le mois suivant le don en lieu et place du formulaire classique en matière de don, à savoir le Cerfa 2735. Ce dernier sera à déposer, accompagné du paiement desdits droits de donation, dans le mois suivant le décès du donateur en cochant la case « Suite à option pour la déclaration et le paiement des droits après le décès du donateur » et en indiquant la date du décès. En clair, le dépôt du Cerfa 2734 a pour objet de révéler le don tandis que l’imprimé 2735 a pour but de le déclarer suite au décès du donateur.

En conclusion, de nombreuses possibilités s’offrent à vous pour mener, selon vos aspirations, la transmission de votre patrimoine à votre progéniture à moindre coût fiscal. Pour ce faire, vous devez bâtir une stratégie et faire preuve d’un minimum de rigueur en tenant à jour un registre des donations effectuées, outil indispensable pour suivre le délai de remise à zéro des abattements sur le plan fiscal et réitérer une donation au bon moment. Nous pouvons évidemment vous assister dans cette démarche. Paradoxalement, si certains d’entre vous sont réticents à donner, d’autres, au contraire, auront tendance à être trop généreux et risqueront de mettre en péril leurs vieux jours. Pour agir avec discernement garder en mémoire la règle suivante : ne donnez que ce dont vous êtes certain de ne jamais avoir besoin !

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