Le projet de loi de finances a levé le voile sur les contours de la réforme du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu qui devrait entrer en application à compter de 2018. Même si des changements vont survenir d’ici la fin de l’année suite aux débats parlementaires, il est intéressant de se pencher sur ce mécanisme afin d’étudier les possibles optimisations durant la phase de transition.
Les revenus de capitaux mobiliers, les plus-values immobilières et les revenus des auto-entrepreneurs ne sont pas concernés par cette réforme puisqu’ils font déjà l’objet d’un prélèvement spécifique. Les revenus non récurrents tels que les cessions de valeurs mobilières et les revenus soumis au quotient échappent également au prélèvement à la source. En revanche, les autres catégories de revenus telles que les salaires, pensions, revenus agricoles, revenus non commerciaux, revenus industriels et commerciaux, revenus fonciers seront soumises au prélèvement à la source. Dans les faits, celui-ci pourra être opéré de trois façons :
- Au moment du paiement par l’organisme payeur si celui-ci est clairement identifié, ce qui est le cas pour les salaires, les pensions et les rentes. Dans cette situation, l’administration fiscale déterminera le taux du prélèvement applicable et le transmettra à l’organisme collecteur. Pour les couples, le taux sera commun. Toutefois, en cas de demande, l’administration communiquera un taux individualisé applicable aux revenus propres de chacun des conjoints. Dans tous les cas, le taux sera déterminé en fonction de la dernière déclaration déposée par les contribuables, il sera basé sur les revenus de l’année N-2 pour les prélèvements de janvier à août et de N-1 pour ceux opérés de septembre à décembre. Tout changement de situation de famille (mariage, PACS, séparation...) devra être signalé par le contribuable auprès de l’administration fiscale dans un délai de 60 jours afin qu’un nouveau taux de prélèvement puisse être calculé.
- Par voie d’acompte en l’absence d’organisme payeur. Les revenus fonciers, les pensions alimentaires, les revenus de source étrangère ainsi que les revenus des travailleurs non-salariés (Bénéfices Industriels et Commerciaux, Bénéfices Non Commerciaux et Bénéfices Agricoles) sont concernés par ce mécanisme. Dans ce cas, l’administration fiscale opérera un prélèvement directement sur le compte bancaire du contribuable le 15 de chaque mois. En cas de demande, le contribuable pourra opter pour un paiement trimestriel. L’acompte à verser sera basé sur les revenus de l’année N-2 pour les prélèvements de janvier à août et de N-1 pour ceux de septembre à décembre.
- Par le contribuable en cas d’option pour l’application du taux neutre. Les contribuables soucieux que le taux réel d’imposition ne soit pas communiqué à leur employeur pourront demander l’application d’un taux neutre. Dans ce cas, ils devront calculer et verser mensuellement au Trésor Public un complément de retenue à la source correspondant à la différence entre le taux déterminé par l’administration fiscale et le taux neutre. Pour information, le taux neutre correspond à celui applicable à un célibataire sans enfant et pourra varier de 0 % à 43 % selon le montant des revenus versés par l’employeur.
La mise en place du prélèvement à la source ne déchargera pas pour autant les contribuables de l’obligation d’établir une déclaration de revenus. En effet, le dépôt de la déclaration de revenus s’avèrera être toujours indispensable pour permettre à l’administration fiscale de régulariser l’impôt sur le revenu dû au titre des revenus de l’année précédente et de mettre à jour le taux du prélèvement à la source. En cas d’excédent de versement, l’administration fiscale procédera alors à un remboursement. A l’inverse, une insuffisance de versement occasionnera un complément qui sera étalé sur les 4 derniers mois de l’année.
En pratique, la mise en place du prélèvement à la source devrait entrainer une double imposition pour les contribuables au titre de 2018 : l’impôt sur les revenus de 2017 et celui sur les revenus 2018 issu du prélèvement à la source. Afin de pallier cette double imposition, il est prévu une neutralisation partielle de l’imposition des revenus de 2017. Dans les faits, l’IR sur les revenus 2017 sera calculé à l’été 2018 puis diminué d’un crédit d’impôt exceptionnel équivalent au montant de l’impôt sur les revenus non exceptionnels perçus en 2017 avant prise en compte des réductions et crédits d’impôt.
Dans les faits, afin d’éviter les abus, l’administration fiscale a finalement décidé de taxer les revenus exceptionnels perçus en 2017. Autrement dit, cette fameuse année 2017, annoncée blanche sur le plan fiscal, ne le sera donc pas totalement. La fiscalisation concerne les revenus qui n’ont pas vocation à se reproduire chaque année mais aussi ceux dont le montant est exceptionnel au regard des années précédentes. Afin d’éviter que les non-salariés et dirigeants soient tentés de gonfler leurs revenus sur 2017, l’administration a prévu la mise en place de règles particulières visant à comparer les revenus 2017 à la moyenne des 3 exercices précédents. Tout revenu dépassant le montant le plus élevé des revenus imposables au titre des années 2014, 2015 et 2016 sera considéré comme exceptionnel et se retrouvera par conséquent taxable. Toutefois, si le contribuable est en mesure de justifier que l’augmentation est bien réelle et non liée à une optimisation fiscale, aucun impôt ne sera dû. Dans les faits, la bonne foi du contribuable ne devrait pas être mise en doute si les revenus de 2018 se trouvaient être supérieurs à ceux de 2017.
En matière de traitements et salaires, l’administration fiscale considère comme exceptionnels, donc taxables, les revenus suivants : la participation et l’intéressement perçus en dehors d’un PEE et d’un PERCO, les sommes récupérées sur les plans d’épargne à long terme avant le terme de la période de blocage, les indemnités versées suite à la rupture du contrat de travail ou de cessation des fonctions des mandataires sociaux et dirigeants, les prestations de retraite servies sous forme de capital…
En matière de revenus fonciers, sont considérés comme exceptionnels donc taxables : les revenus perçus en 2017 qui se rattachent à une autre année que 2017, les suppléments de loyers, les versements de pas-de-porte, les subventions, les indemnités d’assurance, les majorations du revenu en cas de rupture d’un engagement de location au titre des dispositifs fiscaux. Dans le but d’éviter que les contribuables décalent les travaux prévus en 2017 (année non taxée pour laquelle il n’est donc pas nécessaire de réduire le revenu imposable) sur 2018, le gouvernement a instauré une mesure dérogatoire relative à la déductibilité fiscale des travaux. Ainsi, le montant des travaux que les propriétaires pourraient déduire en 2018 serait plafonné à la moyenne des dépenses payées sur 2017 et 2018. Cette mesure est toutefois non applicable pour les débours rendus nécessaires par la force majeure ou effectués sur un immeuble acquis en 2018.
Si, dans les faits, les pouvoirs publics ont fortement verrouillé le dispositif afin d’éviter que les contribuables puissent gonfler leurs revenus au titre de 2017, quelques optimisations demeurent néanmoins possibles :
- Les réductions et crédits d’impôt ne poseront pas de problème particulier puisqu’ils resteront déductibles sur 2017. Mais, il n’en reste pas moins vrai que les déductions du revenu imposable telles que le Perp, le Madelin, le rachat des trimestres de retraite n’auront aucune efficacité en présence de revenus 2017 non taxables. En résumé, sauf à disposer de revenus exceptionnels sur 2017, il conviendra de favoriser les déductions du revenu imposable sur 2016 et 2018. Faute d’efficacité, les mécanismes visant à réduire le revenu imposable sur 2017 devront donc être remplacés par des réductions et crédits d’impôt.
- En matière de revenus fonciers, il est préférable de limiter les travaux sur 2017 et 2018 puisqu’ils seront sans effet sur 2017 (année non taxable) et, sur 2018, ils seront plafonnés à hauteur de 50 % des travaux engagés en 2017 et 2018. Afin de bien appréhender les effets de cette mesure, prenons l’exemple d’un contribuable qui a projeté de réaliser 40 000 € de travaux sur les années 2016 à 2019 à raison de 10 000 € par an. Si sa tranche d’imposition est de 30 %, compte tenu des prélèvements sociaux (15,50 %) et de la CSG déductible, l’imposition globale ressort à 43,97 %. Dans les faits, les 40 000 € de travaux auraient dû générer 17 588 € de gain d’impôt (4 x 10 000 € x 43,97 %). Compte tenu des effets induits par la réforme du prélèvement à la source, la déduction sur 2017 sera perdue, d’où un gain d’impôt global limité à 13 191 € (3 x 10 000 € x 43,97 %). Pour mémoire, la situation aurait pu être encore plus défavorable si le contribuable avait programmé ses travaux à hauteur de 20 000 € sur 2017 et 2018. En effet, les 20 000 € de travaux sur 2017 deviendraient sans effet et ceux de 2018 donneraient une réduction d’impôt limitée à 8 794 € (20 000 € x 43,97 %). Si le contribuable décidait de passer les 40 000 € de travaux sur 2018, compte tenu de la mesure anti-abus instaurée par le gouvernement (déduction sur 2018 limitée à la moyenne des travaux sur 2017 et 2018), seuls 20 000 € seraient en fait déductibles, soit un gain fiscal limité à 8 794 € (20 000 € x 43,97 %). En revanche, si les travaux étaient déduits comme suit : 20 000 € sur 2016 et 20 000 € sur 2019, le gain fiscal ressortirait à 17 588 €. En résumé, une gestion active des travaux immobiliers orientée sur 2016 et 2019 sera nettement plus rentable que des travaux déduits sur 2017 et 2018.
- Les dirigeants et les TNS ayant, par nature, la faculté de moduler leur revenus professionnels auront intérêt à aligner leur rémunération 2017 sur le montant le plus élevé perçu sur la période 2014 - 2016 de façon à bénéficier d’une non-imposition totale sur les revenus 2017. L’année 2016 n’étant pas encore finie, il est encore possible de jouer sur le plafond définissant l’exonération en 2017. Par exemple, une rémunération 2016 supérieure à celle de 2014 et 2015 permettrait de disposer d’une rémunération non fiscalisée sur 2017 identique à celle de 2016. A l’inverse, minorer la rémunération 2016 et la décaler en partie sur 2017 peut également s’avérer être un bon calcul dans la mesure où elle reste inférieure à la plus haute rémunération versée sur 2014 ou 2015. Dans cet exercice, il faut faire attention à ne pas essayer d’être trop habile car l’administration fiscale sera à l’affût des pratiques jugées abusives. Pour preuve, elle a décidé d’étendre le délai de vérification et de reprise de l’année 2017 de trois à quatre ans.
Cette réforme dont le but avoué est de simplifier les obligations fiscales et de supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et leur taxation s’avère être un leurre. En effet, les contribuables n’en tireront aucun avantage puisqu’ils devront toujours déposer une déclaration de revenus et faire face à une régularisation annuelle en fonction des revenus de l’année perçus en N-1. En cas de hausse des revenus d’une année sur l’autre, la trésorerie des contribuables risque d’être tendue sur le dernier trimestre puisque non seulement le taux du prélèvement sera revu à la hausse mais le solde de l’IR devra aussi être payé en complément. Les contribuables devront donc payer l’impôt au titre de 2 années : les prélèvements sur les revenus perçus de l’année en cours et la régularisation sur ceux de l’année dernière. Une autre désillusion concerne les réductions et crédits d’impôt qui produiront, comme c’est le cas actuellement, leurs effets avec un an de décalage, puisqu’ils ne seront pas intégrés dans la fixation du taux du prélèvement à la source. En clair, l’administration fiscale percevra chaque mois davantage qu’elle ne le devrait si les réductions d’impôts avaient été intégrées dans la détermination des taux de prélèvement à la source. En résumé, ces modifications profiteront pleinement à l’Etat qui sera déchargé du recouvrement de l’impôt et percevra l’impôt l’année même de l’encaissement des revenus.
Du côté du contribuable, cette réforme va non seulement complexifier la fiscalité mais aussi accroitre les démarches à accomplir. La multiplication des canaux de paiement de l’impôt sur le revenu rend ce système très opaque et empêche toute vision globale des prélèvements effectués. En résumé, cette simplification demeure vraiment illusoire et n’a qu’un seul but : assurer un meilleur rendement de l’impôt en généralisant la mensualisation et en brouillant encore un peu plus les pistes pour rendre l’impôt nettement plus indolore !