Si vous avez atteint le plafond des livrets d’épargne réglementés (Livret A et LDDS), vous pourriez estimer judicieux d’utiliser le livret A de vos enfants mineurs afin de rémunérer vos propres excédents de trésorerie en prenant garde de récupérer votre épargne avant les 18 ans de vos chérubins.

Ainsi, en présence de 3 enfants mineurs, vous pourriez verser 114 750 € (22 950 € x 5) sur les livrets A et bénéficier d’une rémunération de 3 % nets d’impôt et de prélèvements sociaux sur cette somme.

Si ce mode opératoire ne soulève aucune difficulté sur le plan financier puisque les intérêts seront bien versés sur chaque livret, il en est différemment sur le plan juridique car, contrairement à une idée reçue, l’argent figurant sur des comptes ouverts au nom des enfants mineurs n’appartient pas aux parents. De ce fait, il vous sera impossible de récupérer votre capital et pourrez uniquement prélever les intérêts !

Pour bien comprendre les fondements de ce principe, il convient de se plonger dans les méandres du Code Civil.

L’article 388-1-1 du Code Civil stipule que « l'administrateur légal représente le mineur dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l'usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes ». En clair, il en résulte qu’un mineur ne dispose pas de la capacité juridique de gérer lui-même son patrimoine et que cette capacité est l’apanage de ses parents qui agissent en tant qu’administrateurs légaux.

L’article 386-1 du Code Civil édicte que « la jouissance légale est attachée à l'administration légale : elle appartient soit aux parents en commun, soit à celui d'entre eux qui a la charge de l'administration ». Autrement dit, les parents ne disposent que d’un usufruit sur les biens du mineur et non d’un droit de propriété. Lorsque cette jouissance porte sur des sommes d’argent qui, par nature, sont assimilables à un quasi-usufruit, les administrateurs légaux peuvent utiliser le capital du mineur, à charge pour eux de le restituer à la fin de l’usufruit.

L’article 386-2 prévaut que « le droit de jouissance cesse :

1° Dès que l'enfant a seize ans accomplis ou même plus tôt quand il contracte mariage ;

2° Par les causes qui mettent fin à l'autorité parentale ou par celles qui mettent fin à l'administration légale ;

3° Par les causes qui emportent l'extinction de tout usufruit ».

Il en résulte que l’usufruit conféré aux parents cesse aux 16 ans de l’enfant. Et dès lors, les parents doivent restituer la totalité des prélèvements effectués sur le capital.

En résumé, en tant qu’administrateurs légaux, les parents peuvent librement disposer des capitaux jusqu’aux 16 ans de l’enfant à charge de les restituer. En revanche, les fruits du patrimoine de leurs enfants (intérêts et loyers…) ne sont pas à restituer car ils sont censés avoir été utilisés pour faire face à la charge de la jouissance c’est-à-dire aux frais de nourriture, d’entretien et d’éducation de l’enfant comme l’article 386-3 du Code Civil le précise :

 « Les charges de cette jouissance sont :

1° Celles auxquelles sont tenus les usufruitiers ;

2° La nourriture, l'entretien et l'éducation de l'enfant, selon sa fortune ;

3° Les dettes grevant la succession recueillie par l'enfant en tant qu'elles auraient dû être acquittées sur les revenus ».

Il est à souligner que si les revenus issus du patrimoine de vos enfants ne sont pas suffisants pour assurer les charges d’éducation, d’entretien et de nourriture, vous ne pourrez, en aucun cas, puiser dans leur capital pour faire face à ces dites charges.  

Il est à noter qu’il existe une exception au principe de jouissance comme le stipule l’article 386-4 du Code Civil, dans la mesure où « la jouissance légale ne s'étend pas aux biens :

1° Que l'enfant peut acquérir par son travail ;

2° Qui lui sont donnés ou légués sous la condition expresse que les parents n'en jouiront pas ;

3° Qu'il reçoit au titre de l'indemnisation d'un préjudice extrapatrimonial dont il a été victime ».

Par exemple, si votre progéniture perçoit une rémunération au titre de son activité d’enfant du spectacle (chanteur, acteur, influenceur…), vous ne pourrez pas y toucher. En effet, le code du travail a prévu un mécanisme spécifique pour protéger l’argent du mineur avec le dépôt obligatoire sur un compte ouvert à son nom auprès de la caisse des dépôts et consignations. Par ce biais, le pécule de l’enfant se trouve totalement inaccessible aux parents qui ne pourront même pas percevoir les intérêts. Pour mémoire, ces derniers sont fonction du taux d’intérêt légal qui est revu tous les trimestres en fonction des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne et du niveau de l’inflation. Au titre du second semestre 2023, Il est fixé à 6,82 %. Dès la majorité de l’enfant atteinte, les fonds sont transférés sur un compte de dépôt ouvert à son nom ce qui lui permet alors de disposer librement des sommes issues du fruit de son travail. Il est à noter que si l’enfant a plus de 16 ans, sa rémunération doit lui être versée directement par son employeur.

L’article 385 du code civil précise que « l'administrateur légal est tenu d'apporter dans la gestion des biens du mineur des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt du mineur » et l’article 386 du code civil énonce que « l'administrateur légal est responsable de tout dommage résultant d'une faute quelconque qu'il commet dans la gestion des biens du mineur. Si l'administration légale est exercée en commun, les deux parents sont responsables solidairement. L'Etat est responsable des dommages susceptibles d'être occasionnés par le juge des tutelles et le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire dans l'exercice de leurs fonctions en matière d'administration légale, dans les conditions prévues à l'article 412. L'action en responsabilité se prescrit par cinq ans à compter de la majorité de l'intéressé ou de son émancipation ».

Il en résulte donc que les parents doivent opérer une gestion en bon père de famille et être en mesure de rendre des comptes sur la gestion des biens de leurs enfants, sachant que ces derniers peuvent se retourner contre eux jusqu’à leur 23ème anniversaire.

Outre le cas où vous auriez la mauvaise idée d’utiliser les comptes de vos enfants mineurs pour rémunérer vos avoirs, d’autres événements conflictuels existent tels que les situations de divorce ou de décès.

Suite à un divorce ou une séparation, en vertu de l’article 382 du code civil, « l'administration légale appartient aux parents. Si l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, chacun d'entre eux est administrateur légal. Dans les autres cas, l'administration légale appartient à celui des parents qui exerce l'autorité parentale ».

L’article 382-1 du code civil énonce que « lorsque l'administration légale est exercée en commun par les deux parents, chacun d'eux est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu de l'autre le pouvoir de faire seul les actes d'administration portant sur les biens du mineur. La liste des actes qui sont regardés comme des actes d'administration est définie dans les conditions de l'article 496 ».

En matière d’opérations bancaires, chaque parent est réputé avoir reçu de l’autre le pouvoir d’accomplir seul les actes d’administrations portant sur les biens de leurs enfants. En clair, vous pouvez opérer seul des retraits sur les produits d’épargne de vos enfants. Il est toutefois à noter que le livret jeune demeure une exception car seul le titulaire du compte, à savoir l’enfant, peut effectuer les retraits. En revanche, la mère ou le père ne peut pas clôturer le compte d’un enfant ou transférer l’intégralité des capitaux sur son compte car il s’agit d’un acte de disposition qui nécessiterait obligatoirement l’accord des deux parents.

En cas de désaccord ou de méfiance entre les parents, des difficultés sont susceptibles de naître de ce mode opératoire. Si vous craignez que votre ex-conjoint opère des retraits intempestifs, vous pouvez demander à la banque de subordonner les retraits à l’accord préalable des deux parents.

En matière d’assurance vie, le problème ne se pose pas puisque la signature des deux parents est obligatoire tant à l’ouverture que lors des retraits, des avances ou de la modification de la clause bénéficiaire car ce sont des actes de disposition. 

En cas de décès d’un parent, l’enfant mineur héritera d’une partie des biens de son géniteur. La gestion du patrimoine du mineur sera alors exercée par le parent survivant en tant qu’administrateur légal jusqu’à l’atteinte de sa majorité.

Cette situation peut, comme dans le cas du divorce, soulever des difficultés et il peut alors être opportun de désigner des personnes plus à même de protéger les intérêts de l’enfant et, en particulier, d’assurer la bonne gestion de son patrimoine. Pour ce faire, il est impératif de prendre les devants en optant pour l’une des dispositions suivantes :

La désignation d’un tiers administrateur des biens par voie testamentaire. En vertu de l’article 384 du Code Civil, « ne sont pas soumis à l'administration légale les biens donnés ou légués au mineur sous la condition qu'ils soient administrés par un tiers. Le tiers administrateur a les pouvoirs qui lui sont conférés par la donation, le testament ou, à défaut, ceux d'un administrateur légal. Lorsque le tiers administrateur refuse cette fonction ou se trouve dans une des situations prévues aux articles 395 et 396, le juge des tutelles désigne un administrateur ad hoc pour le remplacer ». Il en résulte que les pouvoirs de l’administrateur sont à définir dans le testament et peuvent également concerner des actes de disposition tels que la vente d’un bien sans nécessiter l’intervention du juge des tutelles. Autrement dit, il est possible de conférer au tiers administrateur des droits plus larges que ceux de l’administrateur légal. Il est également permis de prévoir un cadre plus restrictif en intégrant, par exemple, une obligation systématique de remploi des revenus issus du patrimoine. En clair, à la condition de l’avoir anticipé, vous disposez d’un grande latitude dans la fixation des règles de gestion des biens issus de votre transmission. En cas de refus ou d’incapacité du tiers-administrateur, le juge des tutelles désignera un administrateur ad hoc pour le remplacer. Il est à noter que les fonctions de l’administrateur cessent automatiquement à la majorité de l’enfant. Si vous souhaitez conserver une protection au-delà des 18 ans de l’enfant, il convient de désigner un mandataire à effet posthume qui pourra poursuivre la gestion des biens à la condition qu’il existe un intérêt légitime et sérieux à son maintien.

La désignation d’un mandataire par un mandat à effet posthume. Par ce biais, le parent donne à une ou plusieurs personnes le pouvoir d’administrer ou de gérer sa succession dans l’intérêt des héritiers. Dans tous les cas, le mandat doit être justifié par un intérêt légitime et sérieux. Le mandataire désigné peut accomplir des actes conservatoires, de surveillance et d’administration provisoire. Contrairement à la tutelle ou à l’administration d’un tiers administrateur, le mandat ne prend pas automatiquement fin à la majorité de l’enfant s’il continue à se justifier par un autre motif que la minorité de l’enfant. En revanche, la vente des biens met fin au mandat. Il est à souligner que le mandataire ne peut empêcher l’administrateur légal, soit le parent survivant en l’occurrence, de vendre les biens.

La désignation d’un tuteur par testament. A l’inverse de la nomination d’un tiers administrateur ou d’un mandat à effet posthume, la tutelle ne se mettra en place qu’au décès du dernier survivant des parents. Cette solution ne vise donc pas à écarter l’administration légale du conjoint survivant. Le tuteur a la charge de gérer le patrimoine de l’enfant mineur mais également de l’accompagner dans les actes de la vie courante. Les pouvoirs du tuteur se limitent aux actes d’administration et de gestion. L’exercice des actes de disposition nécessite l’accord du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles. Le tuteur n’est pas tenu d’accepter la mission et, par précaution, il est souhaitable de désigner un second tuteur. A la majorité de l’enfant, la tutelle cesse automatiquement.

La désignation d’un mandataire par un mandat de protection future. Ce mandat de protection future pour autrui n’est, a priori, possible que pour les enfants mineurs atteints d’une altération de leurs facultés mentales. Les pouvoirs du mandataire s’étendent aux actes portant sur le patrimoine et la personne. Concernant le patrimoine, les pouvoirs sont identiques à ceux du tuteur et le mandat peut se poursuivre à la majorité de l’enfant handicapé.    

Au regard de l’article 384 du code civil évoqué dans le paragraphe traitant de la désignation d’un tiers administrateur, cette faculté peut aussi être utilisée par des grands-parents lorsqu’ils effectuent une donation à leurs petits-enfants. En se désignant eux-mêmes administrateurs ou en nommant un tiers de confiance, les sommes transmises par les grands-parents aux petits-enfants échapperont à l’administration légale des parents. Cette formule permet donc aux grands-parents de donner de l’argent à leurs petits-enfants tout en maitrisant l’usage des capitaux donnés évitant ainsi tout risque de dilapidation des capitaux. Compte tenu des abattements en vigueur, vous pouvez donner gratuitement à chacun de vos petits-enfants jusqu’à 63 730 € (31 865 € par grand-parent) ou 10 620 € (5 310 € par arrière-grand-parent) à chacun de vos arrière-petits-enfants tout en contrôlant l’usage des fonds. En pratique, il existe des solutions spécifiques vous permettant de verser directement les sommes données sur un contrat d’assurance vie ouvert au nom du petit-enfant et d’être dégagé des contraintes administratives et notamment du passage devant le notaire. Outre un formalisme simplifié, vous conservez la main sur la gestion du contrat tant durant la minorité du petit-enfant que durant sa majorité dans la mesure où une clause d’inaliénabilité temporaire est prévue jusqu’à 25 ans. En clair, jusqu’à son 25ème anniversaire, le petit-enfant ne pourra réaliser aucune opération sur son contrat d’assurance vie sans votre accord. Par ce biais, cela vous permet d’aider vos petits-enfants à bien démarrer dans la vie active en leur allouant un petit pécule sans crainte de dilapidation des sommes reçues. Nous sommes à votre entière disposition pour vous fournir de plus amples explications sur cette formule. N’hésitez donc pas à nous solliciter.

En conclusion, vous devez garder en mémoire que, peu importe l’âge de vos enfants et la provenance des sommes figurant sur leurs comptes et livrets, les capitaux sont leur propriété irrévocable et définitive. Ne faites donc pas l’erreur d’utiliser leur livret pour rémunérer votre épargne ! Dans les situations particulières telles que le divorce ou le décès, des solutions peuvent être mises en place en vue de protéger les intérêts de vos enfants. 

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